Photo : Olivier Croteau – Le Nouvelliste
La communauté abénakise de Wôlinak a procédé, mardi, à l’inauguration du casino Grand Royal Wôlinak en présence de nombreux dignitaires, dont Dalton Silver, chef de la Première Nation Sumas de Colombie-Britannique. C’est que le projet que vient enfin de réaliser la communauté abénakise, nichée dans la Ville de Bécancour, «représente un grand jour. Il trace le chemin pour nous toutes, Premières Nations de partout au pays», a souligné le chef Silver au cours de la cérémonie d’ouverture. «On s’est fait fermer la porte de l’industrie» [des loteries et des jeux], rappelle-t-il en indiquant qu’il a de la parenté dans l’État de Washington qui gère une grande installation touristique de ce genre qui apporte ainsi beaucoup à l’économie. «Nous voulons faire de même. Je vous considère des leaders et comme mes frères et soeurs», a indiqué le chef Silver, heureux de voir qu’une barrière s’est enfin levée.
Les choses viennent en effet de changer pour les Premières Nations désireuses de faire ce genre de projet qui leur était interdit jusqu’à présent. «On a réussi à démontrer, selon des preuves historiques qui ont été fournies, que selon nos us et coutumes, le jeu de hasard et le jeu d’argent faisaient partie de nos coutumes et de nos traditions. C’est pour ça que les recherches historiques ont été aussi longues», explique Dave Bernard, directeur général du Conseil de bande de Wôlinak.
Le grand projet de la communauté de Wôlinak, dont on inaugurait la phase 1, mardi, soit le casino et son restaurant, est en effet le fruit de cinq ans de travail au cours desquels il y a eu aussi prise d’avis juridiques, étude de marché et réalisation de projections.
Le casino Grand Royal Wôlinak, un investissement d’un peu moins de 12 M$ juste pour la phase 1, a été rendu possible grâce à des partenaires financiers, le principal étant l’homme d’affaires Josh Baazov qui était lui aussi sur place, mardi matin. Il permettra à la communauté abénakise de récolter «plusieurs centaines de milliers de dollars qui vont être remis annuellement à la communauté», précise Dave Bernard.
Ces redevances permettront à la communauté de Wôlinak de construire «des infrastructures communautaires» et de faire du développement économique en plus d’injecter de l’argent dans des programmes comme l’éducation. Des redevances seront remises également aux membres de la communauté, résume le directeur général.
La nouvelle attraction connaîtra prochainement une phase 2 laquelle comprendra une salle de spectacle pouvant accueillir 1000 personnes assises de même qu’un hôtel, le tout pour quelque 4 M$.
Le casino à lui seul attire déjà entre 5000 et 7000 visiteurs par semaine, le chiffre étant confirmé depuis l’ouverture officieuse du casino, le 28 février dernier. C’est donc beaucoup de circulation sur les segments routiers qui mène sur la route Leblanc. Ce chemin, d’ailleurs, fera à nouveau l’objet de discussions mercredi matin entre la Ville de Bécancour et le Conseil des Abénakis. «C’est certain que le chemin Leblanc n’est peut-être pas l’artère à privilégier. On veut plutôt transférer le tracé vers la 30 puis vers la sortie du boulevard Danube», explique le directeur général.
Il y a des discussions également avec le ministère des Transports et l’Office du tourisme afin d’aménager une signalisation adéquate. «On veut que les gens prennent cette habitude-là, car c’est certain que le chemin Leblanc est problématique, non seulement pour les usagers, mais aussi pour les cyclistes, depuis un bon moment, et toute la machinerie agricole qui y circule depuis bon nombre d’années», fait-il valoir.
«La Ville est en attente de nouvelles signalisations pour les installer et orienter la circulation vers l’autoroute 30 plutôt que d’utiliser le chemin Leblanc qui n’est pas du tout conçu pour un accroissement majeur de circulation», confirme la mairesse de Bécancour, Lucie Allard. «On est très préoccupé de ça à l’hôtel de ville. C’est pour ça qu’on va rencontrer M. Bernard pour en discuter avec lui et s’assurer que la circulation va être déviée pour emprunter l’autoroute 30», dit-elle.
Rappelons que la communauté abénakise de Wôlinak ne voulait pas investir dans un tel projet, au départ. «La communauté commençait alors à se relever de difficultés financières dans les années 2010, rappelle-t-il, d’où le partenariat avec des investisseurs.
Wôlinak a déjà rencontré quatre ou cinq investisseurs pour la portion hôtellerie de sa phase 2. Dave Bernard laisse entendre qu’on a une vision «éclatée» du projet.
Le projet inauguré hier ne s’est pas fait sans consultations auprès du CIUSSS-MCQ. «Il y a des risques et des enjeux qui ne sont pas négligeables», concède M. Bernard, «donc on a invité tous les acteurs du milieu en intervention et dépendances. On a fait des tables de concertation avec le CIUSSS», dit-il.
La phase 1 a été inaugurée avec plusieurs mois de retard à cause de la COVID et le projet s’est heurté également à la majoration des coûts. Pas moins de 170 emplois ont été créés malgré tout jusqu’à présent. D’autres sont à prévoir. «On parle de retombées économiques indirectes. Toute la région va pouvoir en bénéficier. Ça vient bonifier aussi l’offre touristique de la région», ajoute M. Bernard en précisant que du contenu culturel sera ajouté progressivement au projet, car la communauté veut se réapproprier sa culture. Mardi, d’ailleurs, une œuvre autochtone a été dévoilée dans l’entrée du casino en mémoire des enfants autochtones disparus et des cimetières autochtones découverts au pays récemment. L’oeuvre s’appelle «Every Child Matters» (chaque enfant compte).