HISTORIQUE

Située près de l’embouchure de la rivière Bécancour, dans la région Centre-du-Québec, Wôlinak est l’une des deux communautés abénakises faisant partie de la Nation Waban-Aki au Québec. Wôlinak signifie en Abénakis « la rivière aux longs détours » et au 17e siècle, les Abénakis utilisaient cette rivière pour accéder à leur territoire de chasse hivernale situé dans la grande forêt. Durant les saisons plus clémentes, ces mêmes Abénakis redescendaient à l’embouchure de la Bécancour pour établir leur campement d’été et y pratiquer une agriculture de subsistance. Leur présence historique dans la région est contemporaine de la période de fondation de la Nouvelle-France. En effet, dès 1637, trois ans seulement après la fondation de Trois-Rivières, on retrouve des Abénakis « cabanés » tout près de la nouvelle habitation française. Quelques trente ans plus tard, soit en 1669, c’est au tour des coureurs des bois de Trois-Rivières de visiter trois campements d’hiver abénakis situés le long la rivière Bécancour (voir carte 1). Par ailleurs, à partir de 1675, des groupes d’Abénakis originaires de la Nouvelle-Angleterre s’établissent dans la région rejoignant ainsi ceux déjà présents le long de la rivière Bécancour.

À cette même époque, des missionnaires visitent régulièrement les Abénakis et une petite chapelle est construite non loin de l’embouchure de la Bécancour. En 1681, la bourgade abénakise est assez populeuse pour être visitée par l’évêque de Québec. À bien des égards, cette bourgade peut être considérée comme la première mission située dans la seigneurie de Bécancour, même si aucune terre n’est encore concédée aux Abénakis. Toutefois, en 1708, sous la pression des autorités militaires et religieuses, le seigneur de Bécancour concède des terres aux Abénakis à la condition qu’ils y accueillent une mission (voir carte 2). Il s’agit également d’une bourgade militaire ou les Abénakis christianisés mettront leur talent de guerrier de la forêt au service de la colonie française.

La nouvelle mission va permettre aux Abénakis de se maintenir en tant que Nation au cœur même du développement colonial. En effet, tout au long de la première moitié du 18e siècle, Wôlinak sera un point de ralliement pour plusieurs groupes frères des Abénakis comme les Sokokis et les Loups. Durant cette période, la bourgade constitue un important lieu de la culture autochtone ou les Abénakis pratiquent toujours leur mode de vie traditionnel. Aussi, le territoire de chasse ancestral des Abénakis de Wôlinak comprenait alors tout le bassin versant de la rivière Bécancour avec des extensions vers l’est sur de vastes espaces forestiers situés au sud du fleuve Saint-Laurent.

Au changement d’empire colonial (1760-63), malgré la Guerre de la conquête qui avait sévi pendant 7 ans, 300 Abénakis sont encore recensés à la mission de Bécancour, ce qui représente environ la moitié de la population au temps de sa fondation. D’autres parts, c’est aussi à cette époque, que les terres de la mission vont progressivement être cédées à la colonisation. En effet, entre 1758 et 1763 les Abénakis vont accueillir et partager une partie de leurs terres avec des réfugiés acadiens qui, peu à peu, vont faire souche, notamment au sud du lac Saint-Paul. Au tournant du 19e siècle, cependant, la colonisation prend des allures de dépossession arbitraire. En effet, durant la guerre coloniale de 1812, et en absence des guerriers abénakis, des spéculateurs anglophones vont spolier la majorité des terres de la mission. En revenant d’une guerre où ils s’étaient illustrés au service des Britanniques, les Abénakis menacèrent de reprendre les armes pour faire valoir leur droit territorial. Préférant par la suite négocier, ils ne purent cependant conserver qu’un infime parti du territoire original de la mission.

Tout au long du 19e siècle, les Abénakis de Wôlinak vont pratiquer la chasse dans la grande forêt tout en maintenant une agriculture de subsistance sur le peu de territoire qui leur restait et qui bientôt fût considérée comme une réserve. Au tournant du 20e siècle, certains deviendront des guides de chasse et de pêche tandis que d’autres travailleront à la drave ou dans les chantiers forestiers. À l’aube du 21e siècle, les Abénakis vont initier un développement industriel plus moderne et du même coup on verra apparaitre une économie de services dans la communauté. Cependant, la chasse, la pêche et les pratiques d’activités traditionnelles en relation avec la nature demeureront l’expression vivante de la culture des Abénakis de Wôlinak.

Mario Marchand,
Historien, Grand Conseil de la Nation Waban-Aki

  1. FRENETTE, Jacques, La Première Nation des Abénakis de Wôlinak et la mission de Bécancour (1647-1941). Rapport historique, Grand Conseil de la Nation Waban-Aki et Conseil de bande des Abénakis de Wôlinak, L’Ancienne Lorette, 2014
  2. MARCHAND, Mario. Le Ndakinna de la Nation W8bannakiau Québec. Document synthèse relatif aux limites territoriales, Rapport de recherche historique, Bureau du Ndakinna, Grand Conseil de la Nation Waban-Aki, Wôlinak, 2015